Immobilier – L’investisseur privé face aux efforts budgétaires du gouvernement De Wever

Immobilier – L’investisseur privé face aux efforts budgétaires du gouvernement De Wever

Par Olivier de Theux

Parmi les mesures destinées à assainir la situation budgétaire de l’Etat et à faire contribuer, selon l’expression désormais consacrée, « les épaules les plus larges », le nouveau gouvernement De Wever envisage notamment de supprimer la déductibilité fiscale des intérêts sur les crédits contractés par un particulier pour l’achat d’un bien immobilier donné en location à titre privé.

Un point essentiel, qui n’était pourtant pas clairement exposé dans l’accord conclu par la coalition Arizona, concernait la question de savoir s’il était convenu d’appliquer cette suppression uniquement aux crédits futurs, ou si elle visait également tous les crédits en cours.

Interpelé sur le sujet, le nouveau ministre des finances Jan Jambon a précisé la semaine dernière au Parlement que la nouvelle réglementation, dont il est prévu qu’elle entre en vigueur pour l’exercice 2026, concernerait aussi bien les crédits futurs que ceux en cours.

Selon les chiffres parus dans la presse ces derniers jours, la mesure – si elle est effectivement mise en œuvre – touchera ainsi près de 475.000 contribuables.


Mais de quoi s’agit-il exactement ? Et quel est l’impact financier concret pour le particulier soumis à l’impôt des personnes physiques et ayant investi dans un bien immobilier qu’il donne en location en vue d’en tirer un rendement ?

On le sait, actuellement, le revenu d’un bien immobilier situé en Belgique et donné en location à titre privé est imposé sur le montant du revenu cadastral indexé majoré de 40,00 % (art. 7, §1er, 2°, a), second tiret, du Code des impôts sur les revenus).

L’article 14, alinéa 1er, 1°, du C.I.R., prévoit toutefois que les intérêts de dettes contractées spécifiquement en vue d’acquérir ou de conserver des biens immobiliers qui ne sont pas une habitation propre peuvent être déduits des revenus immobiliers imposables.

Cette disposition permet régulièrement à l’investisseur privé, spécialement durant les premières années de son crédit (où les intérêts sont les plus importants) et s’il a emprunté un montant significatif, de « neutraliser » totalement le revenu cadastral de son bien d’investissement.

Le gouvernement De Wever a décidé de supprimer cette déductibilité d’intérêts.


Quelles en sont les conséquences financières concrètes pour l’investisseur privé ?

Prenons un exemple réaliste.

Le 01.01.2022, un particulier achète, en vue de le donner en location à titre de logement privé, un petit appartement situé à Etterbeek.

Le cout total de son acquisition s’élève à 200.000,00 € (prix d’achat, droits d’enregistrement, frais de notaire).

L’acquisition est financée au moyen de 75.000,00 € de fonds propres et via un emprunt bancaire de 125.000,00 €, remboursable en 20 ans, avec un taux d’intérêt fixe de 2,50 % l’an.

La mensualité à payer à la banque s’élève à 662,38 €, soit 7.948,56 € annuellement.

Sur ce dernier montant, le charge d’intérêts est la suivante :

– En 2022 : 3.069,34 €

– En 2023 : 2.945,96 €

– En 2024 : 2.819,45 €

– En 2025 : 2.689,74 €

– En 2026 : 2.556,76 €

Supposons (ce chiffre est très réaliste) que le revenu cadastral indexé de l’appartement s’élève en 2024 à 1.580,00 €, le particulier investisseur sera imposé sur le montant de 2.212,00 € (R.C. indexé x 1,40).

Ce montant de 2.212,00 € sera cependant entièrement neutralisé par la charge des intérêts sur son crédit (2.819,45 €), de sorte qu’il ne paiera, pour l’exercice 2024, aucun impôt sur son bien d’investissement.

Pour l’exercice 2026, malheureusement pour lui, la situation sera nettement moins enviable.

En effet, en imaginant que l’indexation du revenu cadastral ait été nulle, le particulier sera imposé sur 2.212,00 €, ce qui risque de correspondre à 1.106,00 € d’impôt à payer sur son bien, la progressivité rapide des taux d’imposition à l’I.P.P. menant très vite à 50,00 %.

Si l’on effectue à présent, entre 2024 et 2026, une comparaison du rendement brut de notre investisseur, sur base d’un loyer mensuel de base (hors charges) réaliste de 750,00 €, l’on obtient ce qui suit :

– En 2024, les loyers perçus s’élèvent à 9.000,00 €, soit un rendement brut de 4,50 %

– En 2026, les loyers perçus s’élèvent toujours (hors éventuelle indexation) à 9.000,00 €, desquels il y a lieu toutefois de déduire cette fois-ci l’impôt dû de 1.106,00 €, soit 7.894,00 €, ce qui revient à un rendement brut réduit à 3,95 %.

Bref, dans la situation réaliste exposée ci-dessus, notre petit investisseur va perde subitement plus d’un demi-point de rendement brut sur son investissement, suite à l’entrée en vigueur de la modification législative annoncée.


Est-il certain que notre investisseur aurait effectué son investissement en 2022 s’il avait su qu’à peine quatre ans plus tard, son rendement allait brutalement chuter de 0,50 % suite à une nouvelle réglementation fiscale opérant avec effet rétroactif sur son crédit en cours ?

Rien n’est moins sûr.

Dans ces circonstances, il semble probable que, le cas échéant, la nouvelle réglementation fiscale, à peine publiée au Moniteur belge, fera l’objet d’un recours en annulation devant la Cour constitutionnelle afin d’inviter cette dernière à se prononcer sur sa conformité ou non à la Constitution et aux fondements du droit fiscal que sont les principes de bonne administration, de sécurité juridique et de confiance légitime, ainsi que de non-rétroactivité de la loi fiscale.

Pour éviter de voir sa réglementation attaquée, sans doute le législateur serait-il bien inspiré de changer son fusil d’épaule, et, a minima, de décider de ne supprimer finalement la déductibilité des intérêts que pour les crédits futurs, et renoncer ainsi à changer les règles du jeu en cours de route, ce qui – il faut le dire – est très peu fair-play !

Par Olivier de Theux

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